- mer. juin 24, 2009 12:40 pm
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Bonjour,
Je viens apporter ma petite pierre à l’édifice. Je crois que ce corset Milwaukee a une valeur différente des autres dans le traitement de la scoliose de nos enfants. Certains tiennent chaud, serrent ou font un peu mal quelquefois. Mais ils ont un avantage considérable sur le Milwaukee : ils ne se voient quasiment pas sous les habits. Tout juste influent-ils sur la stature de nos enfants pendant le port en donnant un dos droit plus que de raison, une impression de raideur. Tandis que le Milwaukee, avec sa têtière, c’est autre chose.
La première fois que je l’ai vu, c’était sur Internet. Au sortir de la consultation de Thomas, le jour où nous avons appris qu’il allait devoir porter un corset 23 heures sur 24... Ma première réaction a été terrible. Je crois que je n’ai jamais eu autant de chagrin de ma vie de Papa que ce jour. Je me suis demandé, en voyant ces images d’enfants coincés là-dedans, comment mon fils si vif à jouer, courir ou s’amuser allait pouvoir tenir dans ce corset. Je crois que la période entre ce rendez-vous catastrophique de Juin et la mise en place du corset à fin Août m’a paru interminable, insoutenable. Je m’en souviendrais probablement pendant encore longtemps.
Et puis, il a fallu y aller. Le premier rendez-vous d’essayage m’a permis de rencontre ce « monstre », source de mes cauchemars. Je me rappelle que finalement, aussi incroyable que cela puisse sembler, il m’a paru convenable. Oserais-je dire agréable ? Tout rouge sur le pince taille avec des voitures de rallye. Les horribles mâts qui encombraient mes pensées étaient en fait habillés de mousse, les rivets arrondis lui donnaient un aspect moins « agressif ».
Bien sûr qu’il dépassait des habits en haut, que la têtière se voyait – livrée aux regards ou aux interrogations des autres. Mais Thomas s’y est fait, je ne l’aurais jamais cru. Il jouait aux voitures couché par terre comme avant, courait gaiement et vivait les mêmes choses qu’hier. Tout juste une impression de tristesse que je ressentais en moi, bien cachée à ses yeux, lorsque je le voyais assis, droit comme un « I ». Il ne s’est jamais plaint, a fait avec courageusement. J’ai vraiment découvert mon fils à ces moments là, me semble t’il. Le pupitre à dessin que je lui avais acheté en prévision de ces jours mauvais n’a jamais servi. Il restera parmi nous, témoin de ma détresse, presque abusive, de l’époque.
Thomas a porté 2 Milwaukee. Aujourd’hui, il porte un corset plus court, un GTB qui couvre surtout les lombaires. Cela a duré 684 jours, précisément. Les deux corsets Milwaukee sont aujourd’hui dans un placard avec, notés à leur intérieur, les résultats de début et ceux de fin de traitement pendant leur port. Je remets ici un bout d’un post, écrit un jour, après son changement de corset :
« La question de ce qu'allait devenir l'ancien corset de Thomas a été évoqué avec lui, ces derniers jours. Il a décidé de le garder et pour tout dire, je m'en félicite. Nous avons donc marqué, comme sur une boîte à souvenirs, quelques petits mots à l'intérieur du corset. Pour nous en rappeler plus tard, plus loin dans la vie. Il est écrit " Du 27 Août 2007 : 32° et 27°, au 23 Janvier 2009 : 22°". 16 mois ont passés et il a bien travaillé, le petit corset rouge de Thomas. Il a droit au respect, alors il n'ira pas aux ordures. Il finira soigneusement rangé dans un sac dans un placard où il prendra une retraite bien méritée.
C'est si étrange à dire, mais je crois qu'il fait partie de la famille. Qu'il a sa place chez nous, comme une photo sur un meuble ou un souvenir de vacances... Je le regarde quelquefois. Au début, je le trouvais moche mais maintenant plus. Il a un peu vieilli mais on lui doit pas mal de choses. Comment un truc comme celui-là arrive à soigner un petit bonhomme ? Je ne sais pas. Comment un truc comme celui-là nous fait de la peine puis nous rend forts, amoureux des nôtres comme au premier jour, nous ramène au plaisir de faire plein de choses ensemble ?
Ce soir, en sortant de sa douche pendant ses heures de liberté, Thomas l'a croisé du regard, posé sur un meuble du palier. Je l'ai regardé faire. Il s'est arrêté, l'a regardé tendrement et puis a posé la main dessus. Comme cela, juste pour le toucher et il est reparti. Son regard était surprenant vis à vis de son corset. Presque un regard d'affection pour un camarade avec lequel on a connu des moments difficiles, de lutte mais que l'on ne regrette pas d'avoir croisé. Presque un regard de reconnaissance. Oserais-je dire d'amour... »
Tout y est. Je crois que ces deux corsets resteront à jamais chez nous, ou chez lui plus tard s’il le désire. Ils n’iront pas à la benne. Juste parce que, si étrange que cela paraisse, j’ai de l’affection pour ces objets. Je ne saurais comment dire... du respect ou de la reconnaissance.
Il y a de cela deux ans, je n’avais que de la peine en les voyant. Je n’arrivais pas à croire que l’on en ferait des alliés, des compagnons. Aujourd’hui, je ne saurais jamais le vrai ressenti de mon gamin face à eux. Mais je crois qu’il en garde une trace, pas forcément sombre. Je crois qu’ils ont fait, si j’ose dire, un peu partie de son corps. Qu’ils ont été un accessoire sans lequel, au bout de quelques temps, il lui était inconcevable de faire. Qu’ils en soient remerciés s’il est possible de le faire pour un objet. Mais avec une âme, incontestablement...
Franck
