- jeu. août 25, 2016 9:03 pm
#290018
Bonsoir,
A force de temps qui passe, je commence à le connaître le grand docteur qui suit Thomas. Je sais un peu lire ses sensations, deviner les choses dans ses mots et comprendre ses silences ou ses conseils. C'est comme ça, on s'apprivoise au fil du temps avec les gens que l'on croise depuis si longtemps. Peut-être aussi que le départ si rapide de son ami le Docteur Lec... lui a donné un peu plus de paix, de nostalgie amère et de sagesse. Peut-être que cela l'a rendu plus humain inconsciemment, loin du médecin sévère en blouse blanche d'il y a mille ans, mille chagrins. Avant.
Il a longtemps regardé les radios de Thomas d'aujourd'hui le grand médecin, relu les comptes rendus d'hier, les degrés, les corsets passés, les échecs de parfois, les victoires de certains jours. Les Milwaukee, les GTB, les je ne sais plus. Il a remis au fil de ses lectures et de ses mots un peu de buée sur nos yeux de parents et a resserré nos cœurs écorchés pour toujours. Malgré le temps qui soigne, il restera toujours des cicatrices. Il a regardé, hésité puis décidé que Thomas continuera le corset encore quelques temps, douze heures par jour. Je pense qu'il voulait tout arrêter mais n'a pas osé, nous l'avons lu dans ses mots, ses doutes. Nous n'aurions pas osé non plus, pas maintenant même si cela paraît incroyable à ceux qui débutent le traitement. La vie apprend la sagesse, le doute apprend la prudence...
Le grand médecin a dit que Thomas avait presque gagné son combat aujourd'hui. Dix ans plus tard, un siècle nous semble-t'il. Alors, pas le droit de perdre si près du but. Il l'a félicité d'avoir maigri, porté son corset et de présenter une radio à 12° en haut et 12° en bas en courbures opposées. D'être devenu un adolescent solide et raisonnable, mature. Celui que l'on avait si peur qu'il ne puisse jamais devenir au début de l'aventure à cause de tout cela. Je crois, en définitive, que ce Monsieur n'avait jamais été aussi près de nous. Je me suis senti bien, simplement.
Thomas a presque gagné son combat. Je suis heureux, fier, apaisé en dedans mais toujours sur mes gardes. Comme un soldat qui a trop veillé aux bruits autour pour apprécier le silence d'après la guerre. Thomas a presque gagné sa guerre. Il y aura toujours plus grave autour, je les entends déjà, les même qu'hier. Mais je m'en fous. Thomas a presque gagné sa guerre. Pour être sûr que c'est une guerre, il faudra juste à ceux qui disent que ce n'est pas grand chose qu'ils viennent faire un tour sur le dos de Thomas. A regarder la peau un peu râpeuse de certains endroits, les traces cicatrices des points d'appui, les marques, les vergetures. Qu'ils prennent aussi un peu de temps pour apprécier les journées de canicule en corset, les têtières de Milwaukee qui obligent à vivre une vie de petit gamin différemment. Les questions, les regards ou les moqueries. Les nuits étoilées d'adolescents à camper avec les copains et les copines... en corset. Les sacrifices de parfois, les lassitudes de l'habitude, les heures qui l'on compte avant d'y retourner...
Ne laissez jamais, jamais, personne vous dire que ce n'est rien...
Franck